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Cinema des vampires

 

L'effrayant théâtre de marionnettes de Monsieur Bava

un article de Sylvain L. (06/2005)
"I wanted to be a painter until I was twenty years old.
Even today, I am very involved in designing the images for my films."
-Mario Bava-
C'est peut-être parce que Mario Bava se voyait lui-même comme un peintre d'images animées qu'on l'a longtemps considéré comme un mauvais cinéaste.

S'il s'agit de le juger à l'aune de sa direction d'acteurs, de sa capacité à faire s'exprimer des personnalités complexes, de son souci d'étudier la relation humaine, alors oui, Mario Bava n'est pas un très bon cinéaste.

Mario Bava

Mais c'est se tromper sur la nature de son travail

Mario Bava Ce qu'a su faire Mario Bava avec un brio inégalé, c'est mettre en images des fantasmagories. Quel que soit le film sur lequel on se penche, quelle que soit la période de sa vie dont on parle, on retrouve toujours la même démarche, celle de peindre des cauchemars de la façon la plus esthétique possible.

Son premier succès, Le masque du démon (1960) est en apparence un simple film d'horreur gothique, mais on peut le considérer comme une œuvre tardive dans la lignée de l'expressionnisme allemand des années 20 : rares sont les réalisateurs qui ont su exploiter avec une telle force évocatrice le jeu des lumières et des contrastes dans un film noir et blanc.

Sous cet angle, les décors, la lumière, les costumes, l'atmosphère acquièrent autant d'importance, sinon plus, que le jeu des acteurs. C'est l'ensemble de ces éléments qui suscite un sentiment de malaise, voire d'effroi.

Barbara SteeleMario Bava s'est essayé à différents genres, pour autant on retrouve partout ce souci de peindre chaque scène comme un tableau dont la composition d'ensemble doit être élaborée avec précision pour susciter le sentiment le plus ambivalent, celui qui mêle à une impression visuelle esthétiquement parfaite une terreur sourde et presque primale.

Trois ans plus tard, on retrouve dans La ragazza que sapeva troppo - clin d'œil non dissimulé au film L'homme qui en savait trop d'Hitchcock et film unanimement considéré comme fondateur du giallo -, ce souci de mettre en scène de façon à la fois très graphique et subtile les peurs incontrôlables de l'enfance, celles qui viennent de l'imagination.

Mario BavaLaissant son héroïne seule, la nuit, dans un appartement romain, Bava joue avec nos nerfs en transformant de grandes fenêtres derrière lesquelles le vent fait bouger des branches d'arbres en un inquiétant théâtre d'ombres chinoises. Et c'est un sentiment d'effroi qui inéluctablement s'installe aussi bien chez l'héroïne que chez le spectateur : c'est certain, quelque chose va arriver, mais quoi ?

Que le style soit gothique noir et blanc, ou haut en couleurs façon bande dessinée comme dans l'adaptation du Fumetti Diabolik (Danger : Diabolik !, 1967), c'est toujours le même théâtre, dont l'habile équation [décor + atmosphère + lumière + couleurs + costumes + angle de la caméra + personnages] contribue à faire naître tour à tour un sentiment de malaise, de peur ou de violence.

Mario BavaDans Blood & Black Lace (Six femmes pour l'assassin, 1964, qui introduit la figure du tueur au couteau, masqué et ganté de cuir noir), comme dans Lisa et le diable ou même Bay of blood (considéré comme le premier slasher), les personnages sont clairement des objets entre les mains de Mario Bava, au même titre que les autres éléments composant les scènes. Tous subissent, ont depuis longtemps perdu le contrôle et se retrouvent dans des situations où ils semblent avoir été poussés malgré eux.

Le voici, le génie de Mario Bava : savoir mieux que quiconque représenter graphiquement le sentiment de terreur, par des compositions visuelles uniques qui relèguent les protagonistes au rang de pantins, paralysés par leur propre peur.

Sylvain L. - www.killinginstyle.blogspot.com - 2005.

Les films de vampires de Mario Bava